IISTOIRES dE PLUMES
ODILE MASSON
ECRIVAIN PUBLIC
L'Hôtellerie des Hérons Cendrés
Nous voici, après un voyage court mais ennuyeux,
enfin arrivés à
«l’Hôtellerie des Hérons Cendrés».
A peine sortis de voiture,
mon mari, las de souvent devoir expliquer son art,
agresse le portier,
ce «manant» qui ne connaît rien à ce jeu de tir sportif, qui confond ses précieuses arbalètes avec des arcs.
Je les laisse caser les bagages
dans l’ascenseur et gérer l’emménagement
dans notre suite.
Je préfère partir à la découverte
de cette immense et
belle demeure qui sort
assurément du lot.
Les dieux se sont incarnés dans ces lieux
pour rendre ces murs âgés
si hors du temps,
ce patio au sol dallé,
représentant un immense échiquier, recouvert d’un tapis usé au ton pourtant chatoyant, si spécial, ce jardin, où une vieille scie musicale posée dans l’herbe
attend son soliste, où un grand pion blanc de jeu d’échecs
attend son cavalier,
si surprenant.
Une coupe de fruits confits d’Apt posée
sur une grande table basse et des bancs agréables complètent ce tableau.
Confortablement installée dans le jardin, en attendant mon mari, une flûte de champagne à la main, j’observe les papillons qui volent
au-dessus des orchidées.
En voilà un, je pense que c’est un « Grand Nègre à bandes fauves »,
il est véritablement magnifique.
Je feuillette l’intéressante plaquette de l’établissement.
Il y a vers l’ouest une base de loisirs. Mon mari pourra jouer avec ses arbalètes.
Il y a surtout, au sud, un parc aux oiseaux
où l’on peut donc admirer
mais aussi l’ara rouge
de la péninsule d’Osa et le fou de Bassan de l’île de Sein.
Ces quelques jours de repos,
je le sens, vont être idylliques à «l’Hôtellerie des Hérons Cendrés».
Le planeur indigo ou l'amitié oubliée
Un soir de lune rousse deux individus couchés se cachent derrière un if.
- Tu as entendu ce bruit bizarre ? « is…am…is…am… ».
- Quelle langue parles-tu ? L’Ute !
- Chut ! Quelqu’un nous épie
je te le dis !
Qu’est-ce que tu es froussarde.
C’est Marc qui arrive avec le treuil.
Son ninas sent à cent mètre.
En effet, à quelques pas de là,
je fume mon habituel cigarillo,
prêt et conscient des risques.
Ceci n’est pas légal mais le vol d’origine sur nos terres
était tout aussi nul.
Sain d’esprit, je ne suis ni un casseur
ni un criminel,
je veux juste récupérer ce qui m’appartient.
Cette bataille judiciaire
autour des brevets et des plans,
pour savoir qui était propriétaire de quoi,
était une stratégie inopérante.
Ne pouvant pas prouver le vol du planeur et des documents,
nous avons perdu le procès,
mais pas la bataille.
Avec ma sœur et mon beau-frère,
nous passons
maintenant à l’attaque.
- Tout va bien petite sœur. Le camion est garé, prêt à partir,
devant le hangar. Surveille le coin, avec Yann nous allons casser
les serrures et ouvrir les portes.
Catherine resta seule dans le noir.
De longues minutes s’écoulèrent
et la peur s’infiltra en elle.
Du calme. Puis elle entendit la voix
de son frère lui disant de venir. Soulagée, elle arriva en courant.
Dans le hangar, devant elle, majestueux
étend ses ailes.
Sa belle couleur indigo
brille sous la lumière de leurs lampes torches.
Dans le cockpit, sous le tableau de bord,
les lettres « ERE » sont bien visibles. C’est la signature de l’ingénieur en aéronautique
qui a créé cet appareil,
son père.
Elle pense aussi à Jacques,
l’associé et ami de son père qui,
à la mort de celui-ci,
a trahi et volé le biplace.
- Catherine, arrête de rêver.
Yann, fixe le câble de remorquage,
le temps court vite et
le trajet sera long.
Nous sommes deux jours après.
Notre planeur indigo
est enfin rentré à la maison,
protégé des regards,
des voleurs et des
amitiés oubliées.
Odile Masson
Le café des Rascasses
Une tourte aux crapauds de mer,
vous connaissez?
Pas très engageant,
dit comme cela, c’est comme boire une grande tasse de jus d’aloès !
Je suis plus inspiré par des rascasses en aïoli.
J’avais amerri où ?
Dans un café de l’Oise
fermé depuis une bonne ère,
le propriétaire n’ayant pas réglé son IS!
Son fils était pourtant inspecteur des impôts,
cela ne manque pas de sel !
Le menu encore affiché
était un parfait digest de
l’atmosphère particulière qui régnait à l’intérieur.
Un juke-box datant de l’époque yéyé traînait dans un coin,
un CD «Opus 5 » du groupe « Atèles » lui faisait écho.
Les murs n’étaient pas nets et les rideaux manquaient de tenue.
« Une bonne dose de TNT et tu es débarrassé de ce taudis !
Avec son éternel épi sur la tête, mon frère avait vraiment le sens de l’humour !
« Tu vas prendre ton aune et mesurer ces rideaux.
Nous allons tout changer. Je l’ai eu pour pas cher ce bistrot, maintenant tu sais pourquoi ! »
La remise en état sera longue,
mais ce n’est pas grave.
Je suis d’une nature optimiste, c’est dans mon ADN…..
Nous voici trois mois plus tard,
le Café des Rascasses a changé d’époque,
de propriétaire et de style.
Les rascasses sont toujours là,
plus dans la tourte, mais dans la bouillabaisse !!!
ODILE MASSON
NERON OU L'INCENDIE ETEINT
<Nous avons l'heur de vous inviter à la générale de
"Néron ou l'incendie éteint" à Oslo
le cinq de ce mois.>
Blablabla et ci et ça!
Franchement pas terrible, le post de mon imprésario.
Il m'agace un peu.
J'ai déjà regardé quatre fois le menu, admiré les massifs d'asters de la terrasse,
les papillons qui volent autour, senti l'odeur délectable du plat d'ers et saumon fumé
servi à mes voisins, mordillé l'épi de blé agrémentant mon chemin de table, toujours pas d'imprésario!!
Je vais le manger tout cru celui-là avec sa manie d'être systématiquement en retard.
Il plane dans ma tête une envie
de me lever et de partir, cela monte, tourne et vire.
Du calme, du calme! J'ai besoin de jouer à Oslo.
Après l'échec l'an dernier à Ota de cette pièce de
café-théâtre "Ana en ut majeur", remplacée au bout d'une semaine
par un groupe de rap, il me faut absolument laver l'affront!
Tant pis si ma toge ressemble à un linceul. Tant pis si cette oeuvre est aussi absurde que celle de Corse, normal c'est le même auteur.
Courage, le dernier rush avant la générale! Après tout, mon cher imprésario m'offre le déjeuner.
Ah, quand on parle du loup!
- En retard, mais non pas du tout!
Pour toi, j'ai tout mon temps!
Buvons au succès
de cette formidable pièce
"Néron ou l'incendie éteint"
Odile Masson
Porte XI
Encore un pari perdu!
Les fines cartes de rami éparpillées, son dernier jeton posé sur la table,
la belle restait silencieuse.
Comment diable régler cette dette?
Elle avait déjà bu la tasse avant, mais cette fois-ci,
l'affaire était vraiment grave!
De la musique montait des quais du vieux port,
il y avait une fête sur le bateau "WU", comme tous les soirs.
On entendait quelques lieds, des chansons de pays lointains,
un clairon.
Tant que le glas ne sonne pas, tout va bien!
Elle eut soudain la chair de poule,
froid ou peur, mystère! Il se faisait tard. Va en enfer, démon du jeu.
Je te renie! Je ne me laisserai plus piéger!
La belle quitta ce bar maudit et regagna son home, derrière la porte XI.
Ré l'attendait avec impatience.
Drôle de nom pour un chat! Les chatons Do et Mi,
finalement logique pour une musicienne,
jouaient avec des instruments à vent payés grâce aux paris gagnés.
Un coup de langue sur le nez,
une caresse, Ré se roula sur le dos,
fit le clown,
voulant récolter quelques dons pour faire plaisir à sa maîtresse.
Elle éclata de rire et oublia ses problèmes.
La soirée, derrière la porte XI, promettait d'être belle.
Odile Masson